Voir un ami pleurer… (Brel)

Bien sûr, il y a nos défaites 
Et puis la mort qui est tout au bout 
Nos corps inclinent déjà la tête 
Étonnés d'être encore debout 
Bien sûr, les femmes infidèles 
Et les oiseaux assassinés 
Bien sûr, nos cœurs perdent leurs ailes, mais 
Mais voir un ami pleurer…

Ma conception de l’amitié, ma façon de vivre la relation amicale pourrait être qualifiée par certains de virtuelle plus que réelle. Mais pour moi l’amitié passe autant par l’esprit que par la présence ou la démonstration physique.

Il est des gens que je garde dans mon cœur et dont je me soucie, même s’ils ne le savent pas, même si je ne les contacte pas, même si des mois peuvent passer sans que l’on communique d’une façon ou d’une autre. Ils sont là, même si EUX ne savent pas, ne peuvent pas savoir que je suis « là » aussi…
Comme toutes ces personnes que les blogs m’ont permis d’apprécier, parce qu’on exprimait à l’époque des idées et des sentiments en un-peu-beaucoup-plus que 140 caractères. Sans se fréquenter, on avait le temps d’apprendre à se connaitre et à s’apprécier… Et parfois, la magie de la rencontre opérait (à condition, je le confesse, que je surmonte mon angoisse de franchir le barrage de l’écran, que je surmonte ma hantise de ne pas être à la hauteur de ce qu’ils imaginaient que j’étais…)

Comme Matoo et Alex… Comme Dominique et Olivier… Comme Laurent et Stéphane… Comme Anne et Franck… et d’autres…

Au travers d’un écran, on peut ressentir des sentiments, de l’empathie, de l’amitié… Peut-être suis-je égoïste de penser ça, peut-être que je suis tout simplement en train de trouver une excuse à ma paresse, à ma difficulté profonde à partager la chaleur amicale du relationnel « dans la vraie vie ». Peut-être… Mais ça n’enlève rien à ma sincérité.

Ce billet s’adresse à Frédéric, parce que je suis dévasté par ce qui lui arrive…
Mais comment savoir s’il a envie de parler « en vrai » ou s’il préfère ne pas être importuné dans cette douleur qui l’unit encore et pour toujours à son homme ?
Comment savoir si mon « silence » doit être brisé ? Est-ce si important de savoir dans ces instants particuliers que je suis là avec mes quelques mots de soutien si vains, si superficiels, si « étrangers »…

Dans les faits, nous n’étions, nous ne sommes pas « proches ». Je pense que – même lorsque j’étais dans la région parisienne – nous ne sommes vu « en vrai » que 3 ou 4 fois. On se fréquentait plus par réseaux sociaux interposés. Et pourtant, au fond de moi, il fait partie de mes « amis », même si je sais que certaines personnes fronceront le sourcil devant cette affirmation…

J’ai souvent pensé et je pense souvent à Frédéric. Guettant ses publications ou ses réactions. Il fait partie de mon monde, et petit à petit il a pris sa place dans mon cœur. On avait des points communs, puisque nous avons fréquenté professionnellement la même « maison ». La thématique professionnelle crée des liens, il y avait des clins d’œil complices dans les anecdotes que nous partagions…
Frédéric a toujours eu un côté « dandy décalé » qui m’intrigue et me plait.
Et puis Frédéric avait une façon assez talentueuse de parler et de partager le bonheur qu’il vivait…
Je fais partie des personnes qui peuvent être heureux par procuration : savoir que ceux que j’aime sont heureux contribue à mon bonheur.

Un jour, longtemps après qu’il soit entré dans sa vie, j’ai eu l’occasion de rencontrer Chris. J’avais vu des images de son travail de graphiste et j’avais été fasciné par la précision et l’inventivité de sa technique de dessin et le réalisme du rendu. J’ai rencontré Chris dans l’atelier qui accueillait l’exposition de son travail et je suis reparti avec une de ses œuvres. Celle qui figure en illustration de ce billet. Séduit par la précision du dessin mais aussi par l’inventivité qui permettait à l’alternance de rayures strictes et sévères de se fondre insensiblement dans le vivant et de donner naissance à cette superbe représentation des zèbres… Cette œuvre est depuis plus de 5 ans accrochée au dessus de mon lit.

Mercredi matin, juste après avoir publié mon bonjour matinal sur Twitter, j’ai vu la photo de Chris sur Instagram. La photo d’un homme dont les rides de bonheur au coin de yeux et les fossettes sur les joues étaient craquantes.
Et puis j’ai vu au bas de la photo la mention 1968-2023.
Et j’ai pleuré. Comme s’il s’agissait d’un « proche ».
C’est sans doute parce que ma définition laborieuse et maladroite d’une amitié « qui n’a pas besoin de contacts quotidiens pour être vraie et sincère » n’est finalement pas si fausse que ça.,
C’est peut être pour ça que je me permets de dire à Frédéric qu’il est mon ami, que je suis effondré par ce qui lui arrive.
Et que je suis triste de n’avoir rien de plus à lui offrir que ces mots…

Brel – Voir un ami pleurer
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4 réflexions au sujet de « Voir un ami pleurer… (Brel) »

  1. Ping : « Who knew ? » – The Leto Blog

  2. Je te comprends très bien, cette nouvelle a aussi eu un effet terrible sur moi. On n’est pas proches, mais on n’est pas des inconnus comme j’écrivais à Ricroël (qui fait partie de ces gens que je ne peux pas appeler par leurs prénoms tant je les connais par le net ^^). Je nourris aussi sans rougir de l’affection pour des gens que je connais à distance comme cela, et au bout de vingt ans, ce n’est vraiment pas neutre malgré l’immatérialité de la relation.
    Quelle tristesse. 😦

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