Lorsque j’ai participé à l’aventure « L’Auberge des Blogueurs » en 2020, j’avais intégré dans ma narration la perte de Maman. Un peu romancée, bien sûr mais – alors que ce n’était pas prémédité – intégrer cet évènement était devenu une évidence dans l’histoire de mon personnage, Côme de la Caterie.
Dans ce récit, je faisais référence à une collection de chouettes appartenant à Maman et j’évoquais en particulier des « chouettes portant une coiffe Bigouden ».
Tout ça est vrai… et cette anecdote me permettait d’évoquer ces « signes » que l’on espère parfois confusément voir apparaitre sur notre route, après la perte d’un être cher… Avec l’espoir insensé que ces « signes » nous rassurent, nous éclairent, nous confortent et nous donnent le courage de continuer en se sentant « protégé »…
Petit rappel :
Fais moi un signe
Je suis en mode pilotage automatique depuis mercredi…
J’ai pleuré longtemps.
Silencieusement.
Machinalement.
J’hésitais à fermer les yeux car immanquablement le visage de Maman s’imposait à moi… Un visage souriant doucement, tendrement. Un visage dans lequel je craignais de déceler une éventuelle lueur de reproche. Mais rien. Juste ces yeux souriants, et cette indéfinissable expression de gamine joueuse qui illuminait son sourire. Ces rides au coin des yeux… Maman assumait ses rides, creusées par le ruissellement de la vie.… J’aimerais tellement pouvoir encore caresser ses joues, me blottir contre elle ou plutôt la laisser se blottir contre moi, une dernière fois.
Maman avait une passion, l’amour de toute sa vie, mon Papa… Elle l’a rejoint. Moi qui suis un mécréant, tout d’un coup, j’ai envie de croire à la vie (ou une vie ?) après la mort. Parce que je ne peux pas imaginer Maman et Papa dans le néant.
“Un au-delà ? Pourquoi pas ? Pourquoi les morts ne vivraient-ils pas ? Les vivants meurent bien.”
J’ai consulté une nouvelle fois ma boite mail… Entre les spams pour des rencontres coquines, les pilules garantissant des érections en béton, les ventes-privées chez Size-Factory-le-spécialiste-des-grandes-tailles, les conventions obsèques, je recherche les mails de mon frère et de mes sœurs…
Ils ont calé un rendez-vous chez le notaire à la fin du mois.
Ils me reprochent mon silence… Ils ne s’inquiètent pas de savoir si ma disparition et mon silence sont le signe d’un problème plus ou moins grave… Je suis absent et je leur laisse la charge de tout organiser-prévoir-organiser et ça, ça leur est insupportable.
Je n’irai pas.
Je me souviens de Marie Darieussecq qui disait : “Dans une famille on a beau avoir vécu les mêmes choses, on n’a pas les mêmes souvenirs.”
Mon héritage ne figure pas sur l’inventaire, entre un buffet en chêne massif et des bijoux en or ou en argent… Mon héritage ce sont les sourires de Maman qui me disait toujours, lorsque je la quittais : Heureusement que je t’ai, toi !
Je me demande quand même ce qu’ils vont faire de la collection de chouettes que Maman avait patiemment constituée depuis près de 50 ans. Il doit y en avoir 8 ou 900. De toutes les tailles. De toutes les formes. Réalistes, stylisées, folkloriques, en terre cuite, en verre, en plâtre, en bois, en plumes, en métal… La dernière de la collection, c’est moi qui l’ai trouvée et offerte à Maman. Une chouette en faïence de chez Henriot…
J’aimerais bien récupérer le couple de chouettes affublées d’une coiffe bigouden que Papa avait offert à Maman pour leurs 40 ans de mariage.
Avec un peu de chance, quand je reviendrai dans la vraie vie, la maison ne sera pas encore vide… Et je pourrai l’emporter.
(…)
Je suis parti m’isoler dans les bois… Je n’ai pas laissé la main à mon iPod. J’ai choisi, pour m’accompagner, la musique de Jonathan Livingstone le Goéland parce que j’avais besoin d’une musique qui me permette de quitter mon corps pour quelques heures…
Lonely looking sky
Lonely sky, lonely looking sky
And bein’ lonely
Makes you wonder why
Lonely looking sky
Lonely looking night
Lonely night, lonely looking night
And bein’ lonely
Never made it right
Lonely looking night
L’apaisement est venu tout doucement même si les larmes coulaient encore.
L’apaisement est venu alors que la nuit commençait à colorer le ciel de couleurs changeantes…
J’ai repensé au Roi Lion, j’ai repensé à Simba regardant les étoiles dans le ciel… He lives in you est naturellement devenu She lives in you…
There’s no mountain too great
Hear these words and have faith
Have faith
(Hela hey mamela) She lives in you
She lives in me
She watches over everything we see
Into the water, into the truth
In your reflection
She lives in you
C’est bien la peine de vouloir lui donner vie maintenant, alors que tu l’as abandonnée…
Oh ce sentiment de culpabilité, dont je ne sais pas, dont je m’imagine pas qu’un jour il me quittera…
Dans ma tête, je pensais à ces enfantillages qui nous ont tous accompagnés quand on était gamin…
Je vais me réveiller et tout sera comme avant. Je compte jusqu’à 3 et si je vois un oiseau dans le ciel… Si ce scarabée grimpe sur cette brindille…
L’espoir d’un signe, la quête DU signe …
Le signe que Maman va m’envoyer pour me rassurer une fois encore… Une dernière fois…
Le signe qui me dira que Maman ne m’en veut pas… Qu’elle est partie mais qu’elle m’aime toujours…
Je ne pouvais pas contrôler les larmes qui coulaient sur mes joues…
Au milieu des hêtres, des érables, des épicéas, des sapins… dans la pénombre… je cherchais j’espérais ce signe…
Et puis je l’ai vue. Une chouette, une hulotte. Posée sur sa branche, à quelques mètres de moi. Je ne l’avais entendue, je ne l’avais pas vue se poser là, tout près…
Mais elle était là, elle me regardait…
Il était là ce signe… Maman m’avait envoyé LE signe que j’espérais…
Je suis rentré à l’auberge. Des larmes toujours plein les yeux mais…
Merci Maman…
Toi seule sait que je ne t’ai jamais abandonnée…
Je peux pleurer pour toi, et non plus sur moi…
Merci Maman… Si tu savais comme je t’aime…
Dans mon billet précédent, j’évoque la « barbelote », la coccinelle en céramique que j’ai récupérée avant la vente de la maison de mes parents.
J’ai d’ailleurs écrit :
Cette « barbelote », c’est une des premières choses qui a trouvé sa place sur le mur de la terrasse de mon nouveau chez-moi. Un trait d’union avec Papa et Maman en quelque sorte…
Il y a deux jours, alors que je me prélassais en profitant du soleil printanier, mon oeil a été attiré par un « truc » sur le volet roulant.
C’était une coccinelle, une vraie.
Je sais, c’est idiot mais… Intérieurement, j’ai réagi comme mon personnage : Il était là ce signe… Maman m’avait envoyé LE signe que j’espérais…
Aujourd’hui, dans la « vraie vie », la vie d’aujourd’hui, je sais que Papa et Maman m’ont envoyé un signe de bienvenue.
Et ça m’apaise…