Rendez-vous dans une autre vie

Lorsque j’ai participé à l’aventure « L’Auberge des Blogueurs » en 2020, j’avais intégré dans ma narration la perte de Maman. Un peu romancée, bien sûr mais – alors que ce n’était pas prémédité – intégrer cet évènement était devenu une évidence dans l’histoire de mon personnage, Côme de la Caterie.
Dans ce récit, je faisais référence à une collection de chouettes appartenant à Maman et j’évoquais en particulier des « chouettes portant une coiffe Bigouden ».
Tout ça est vrai… et cette anecdote me permettait d’évoquer ces « signes » que l’on espère parfois confusément voir apparaitre sur notre route, après la perte d’un être cher… Avec l’espoir insensé que ces « signes » nous rassurent, nous éclairent, nous confortent et nous donnent le courage de continuer en se sentant « protégé »…

Petit rappel :

Fais moi un signe

Je suis en mode pilotage automatique depuis mercredi…
J’ai pleuré longtemps.
Silencieusement.
Machinalement.
J’hésitais à fermer les yeux car immanquablement le visage de Maman s’imposait à moi… Un visage souriant doucement, tendrement. Un visage dans lequel je craignais de déceler une éventuelle lueur de reproche. Mais rien. Juste ces yeux souriants, et cette indéfinissable expression de gamine joueuse qui illuminait son sourire. Ces rides au coin des yeux… Maman assumait ses rides, creusées par le ruissellement de la vie.…
J’aimerais tellement pouvoir encore caresser ses joues, me blottir contre elle ou plutôt la laisser se blottir contre moi, une dernière fois.
Maman avait une passion, l’amour de toute sa vie, mon Papa… Elle l’a rejoint. Moi qui suis un mécréant, tout d’un coup, j’ai envie de croire à la vie (ou une vie ?) après la mort. Parce que je ne peux pas imaginer Maman et Papa dans le néant.
Un au-delà ? Pourquoi pas ? Pourquoi les morts ne vivraient-ils pas ? Les vivants meurent bien.”
J’ai consulté une nouvelle fois ma boite mail… Entre les spams pour des rencontres coquines, les pilules garantissant des érections en béton, les ventes-privées chez Size-Factory-le-spécialiste-des-grandes-tailles, les conventions obsèques, je recherche les mails de mon frère et de mes sœurs…
Ils ont calé un rendez-vous chez le notaire à la fin du mois.
Ils me reprochent mon silence… Ils ne s’inquiètent pas de savoir si ma disparition et mon silence sont le signe d’un problème plus ou moins grave… Je suis absent et je leur laisse la charge de tout organiser-prévoir-organiser et ça, ça leur est insupportable.
Je n’irai pas.
Je me souviens de Marie Darieussecq qui disait : “Dans une famille on a beau avoir vécu les mêmes choses, on n’a pas les mêmes souvenirs.”
Mon héritage ne figure pas sur l’inventaire, entre un buffet en chêne massif et des bijoux en or ou en argent… Mon héritage ce sont les sourires de Maman qui me disait toujours, lorsque je la quittais : Heureusement que je t’ai, toi !
Je me demande quand même ce qu’ils vont faire de la collection de chouettes que Maman avait patiemment constituée depuis près de 50 ans. Il doit y en avoir 8 ou 900. De toutes les tailles. De toutes les formes. Réalistes, stylisées, folkloriques, en terre cuite, en verre, en plâtre, en bois, en plumes, en métal… La dernière de la collection, c’est moi qui l’ai trouvée et offerte à Maman. Une chouette en faïence de chez Henriot…
J’aimerais bien récupérer le couple de chouettes affublées d’une coiffe bigouden que Papa avait offert à Maman pour leurs 40 ans de mariage.
Avec un peu de chance, quand je reviendrai dans la vraie vie, la maison ne sera pas encore vide… Et je pourrai l’emporter.
(…)
Je suis parti m’isoler dans les bois… Je n’ai pas laissé la main à mon iPod. J’ai choisi, pour m’accompagner, la musique de Jonathan Livingstone le Goéland parce que j’avais besoin d’une musique qui me permette de quitter mon corps pour quelques heures…
Lonely looking sky
Lonely sky, lonely looking sky
And bein’ lonely
Makes you wonder why
Lonely looking sky
Lonely looking night
Lonely night, lonely looking night
And bein’ lonely
Never made it right
Lonely looking night

L’apaisement est venu tout doucement même si les larmes coulaient encore.
L’apaisement est venu alors que la nuit commençait à colorer le ciel de couleurs changeantes…
J’ai repensé au Roi Lion, j’ai repensé à Simba regardant les étoiles dans le ciel… He lives in you est naturellement devenu She lives in you
There’s no mountain too great
Hear these words and have faith
Have faith
(Hela hey mamela) She lives in you
She lives in me
She watches over everything we see
Into the water, into the truth
In your reflection
She lives in you

C’est bien la peine de vouloir lui donner vie maintenant, alors que tu l’as abandonnée…
Oh ce sentiment de culpabilité, dont je ne sais pas, dont je m’imagine pas qu’un jour il me quittera…
Dans ma tête, je pensais à ces enfantillages qui nous ont tous accompagnés quand on était gamin…
Je vais me réveiller et tout sera comme avant. Je compte jusqu’à 3 et si je vois un oiseau dans le ciel… Si ce scarabée grimpe sur cette brindille…
L’espoir d’un signe, la quête DU signe …
Le signe que Maman va m’envoyer pour me rassurer une fois encore… Une dernière fois…
Le signe qui me dira que Maman ne m’en veut pas… Qu’elle est partie mais qu’elle m’aime toujours…
Je ne pouvais pas contrôler les larmes qui coulaient sur mes joues…
Au milieu des hêtres, des érables, des épicéas, des sapins… dans la pénombre… je cherchais j’espérais ce signe…
Et puis je l’ai vue. Une chouette, une hulotte. Posée sur sa branche, à quelques mètres de moi. Je ne l’avais entendue, je ne l’avais pas vue se poser là, tout près…
Mais elle était là, elle me regardait…
Il était là ce signe… Maman m’avait envoyé LE signe que j’espérais…
Je suis rentré à l’auberge. Des larmes toujours plein les yeux mais…
Merci Maman…
Toi seule sait que je ne t’ai jamais abandonnée…
Je peux pleurer pour toi, et non plus sur moi…
Merci Maman… Si tu savais comme je t’aime…

Dans mon billet précédent, j’évoque la « barbelote », la coccinelle en céramique que j’ai récupérée avant la vente de la maison de mes parents.
J’ai d’ailleurs écrit :
Cette « barbelote », c’est une des premières choses qui a trouvé sa place sur le mur de la terrasse de mon nouveau chez-moi. Un trait d’union avec Papa et Maman en quelque sorte…

Il y a deux jours, alors que je me prélassais en profitant du soleil printanier, mon oeil a été attiré par un « truc » sur le volet roulant.
C’était une coccinelle, une vraie.

Je sais, c’est idiot mais… Intérieurement, j’ai réagi comme mon personnage : Il était là ce signe… Maman m’avait envoyé LE signe que j’espérais…
Aujourd’hui, dans la « vraie vie », la vie d’aujourd’hui, je sais que Papa et Maman m’ont envoyé un signe de bienvenue.
Et ça m’apaise…

F. Hardy – Rendez-vous dasn une autre vie (2012)

Dans ma maison d’amour (P. Vassiliu)

Quand j'aurai tant et tant, si on me laisse le temps,
Que mes copains viendront sur leur fauteuil roulant
Le comparer au mien avec un p'tit sourire
Je veux que tous ensemble nous parlions d'avenir
Pas de rides, pas de lunettes, pas de fauteuil, pas de canne
Même, même que nous danserons sur le dernier Dylan

J’ai commencé à écrire ce billet depuis ma terrasse, au soleil avec Scotty à mes côtés, encore en stade de découverte de son nouvel environnement… Les derniers mots sont posés alors que le ciel est gris, que la terrasse est mouillée et que Scotty dort dans un fauteuil.
Mais je suis « chez moi ».
Ce sera un billet « décousu » tant les pensées, sensations, réactions que je peux avoir sont volatiles, disparates voire futiles mais je le crois assez représentatives de ce que je vis et ressens…

Au moment de vendre la maison de mes parents à Béthune, j’avais récupéré une coccinelle en céramique que Papa et Maman avaient achetée dans une brocante et fixée sur le mur, à côté de la porte d’entrée. Une coccinelle ou plutôt une « barbelote » comme Maman disait, enfant, dans sa Normandie natale.
Cette « barbelote », c’est une des premières choses qui a trouvé sa place sur le mur de la terrasse de mon nouveau chez-moi. Un trait d’union avec Papa et Maman en quelque sorte…

Si je simplifie les choses, je dirais que je me suis fait plaisir avec cet appartement. J’étais déjà propriétaire certes mais avec ce premier appartement que j’avais acheté, je m’étais « rassuré ». J’avais calculé que j’aurais fini de payer le crédit avant mon départ à la retraite et donc que je n’aurais pas à me poser de question « pour mes vieux jours » comme on dit dans ces cas-là. J’avoue que je ne m’imaginais pas célibataire au moment de signer les papiers chez le notaire.
Et finalement…

Acheter un appartement alors qu’on est seul et qu’aucun enfant n’est en vue (à ma connaissance, ou alors j’avais bu, ou alors on m’aurait ment,i ou alors j’ai préféré oublier, ou alors…), ça sert à quoi ? Mis à part le petit frisson ressenti quand on se dit in petto « je suis propriétaire », ça ne sert à rien d’autre qu’à payer la taxe foncière… Ou si : à rêver à ce que sera sa nouvelle vie, en se disant que ça va être mieux, plus ensoleillé…

Certes, j’étais déjà propriétaire depuis une quinzaine d’années, mais je savais – lorsque j’ai acheté mon précédent appartement – que ce ne serait pas un « chez-moi » définitif. Certes j’étais au calme, sans vis à vis, avec un balcon. Mais un balcon orienté à l’est : à 11:00 je n’avais plus le soleil…
Ici, avec cette terrasse dont j’ai si fortement rêvé (et qui a été le déclencheur de l’achat), j’ai envie de me poser au soleil, tranquillement, simplement bercé par ma musique, étant à peine perturbé par les bruits de la rue en bas de chez moi ou par les cris et rires et rires des gamins qui jouent dans le jardin public de l’autre côté de la rue.
C’est d’ailleurs marrant : je redécouvre les bruits et mouvements propres à la vie citadine dont j’avais été préservé dans mon ancien appartement, finalement très calme. Peut-être que dans quelques temps cette « vie » urbaine me paraîtra insupportable, mais pour le moment ça participe au charme de la nouveauté…

Dans ma tête, ce nouvel appartement dans lequel je viens d’emménager sera mon dernier « chez-moi ».
Sauf bien sûr si je suis obligé de partir en ehpad…
Ou que je gagne au loto et que j’ai les moyens de m’offrir un appartement avec vue sur la mer…
Mais pour le moment j’ai trouvé un appartement qui me convient et dans lequel je me sens bien.
Après quelques jours de vie dans ce nouvel espace, j’ai déplacé les meubles du salon tels qu’ils avaient été posés à ma demande par les déménageurs. Et quasi instantanément après cette inversion entre télé et canapé, quand je me suis assis, j’ai su que c’était la bonne disposition : je me suis senti bien dans cet espace recomposé…

Depuis que j’ai emménagé, j’ai le sentiment de m’être laissé emporter dans un tourbillon d’achats… Des nouvelles casseroles parce que les anciennes ne sont pas compatibles avec l’induction… Des nouveaux tabourets de bar parce que ceux que je possède étaient adaptés à la configuration de mon ancien appartement alors qu’ils s’avèrent trop hauts pour l’îlot central de ma nouvelle cuisine… Des étagères pour ranger les CDs et les DVDs… Des nouveaux fauteuils pour remplacer le salon Poltronesofa acheté en 2021, trop imposant dans mon nouvel appartement (et dans lequel je n’ai jamais été bien assis)… Un nouveau chevet pour remplacer la petite table roulante en tubes rouge qui me suivait depuis plus de 20 ans…
Un peu comme un nouveau départ.
A moins que ce ne soit le dernier arrêt. Alors autant se sentir bien…
Mon regard se pose sur la cuisine intégrée dont je rêvais… sur le mur « bleu seychelles » de la chambre… sur la terrasse… sur les collines au loin… sur Scotty qui, alternativement, se prélasse au soleil ou court à droite à gauche dans cet espace dont il continue à découvrir les recoins…

Je me sens bien et apaisé avec le sentiment d’avoir bien utilisé l’argent de l’héritage de Papa et Maman.
Ils avaient plus de 50 ans quand ils avaient enfin pu acheter une maison, leur maison, dans le Pas de Calais. Une forme d’aboutissement pour eux qui avaient commencé « sans le sou », avec deux enfants qu’ils avaient eu très jeunes.
Au fond de moi, j’ai le sentiment qu’acheter cet appartement, c’est aussi leur montrer que je respecte tout ce qu’ils m’ont légué. Je n’ai pas gaspillé cet héritage en choses fugaces, et quand je ne serai plus là, tout ira à la Fondation de France.

Je me sens bien, apaisé… et je suis chez moi !

Dans ma maison d’amour – Pierre Vassiliu (1971)

En panne…

J’ai un billet en chantier depuis 15 jours, bientôt 3 semaines même, sur un sujet tout bête : mes aventures de nouveau propriétaire.
Plein d’idées, de sensations, de ressentis mais rien qui se goupille logiquement ou harmonieusement…
Alors j’attends l’inspiration, l’illumination, l’étincelle, le déclic, la délivrance… Ça va venir, stay tuned !

Je sais pas – Celine Dion (1995)

Man gave names to the animals

Et c’est reparti pour le challenge « Inktober with a keyboard »
Chaque jour un mot, un thème comme point de départ à un billet.

Le mot du jour : « Bête / Animal ».

J’ai une perception de l’au-delà assez floue et mouvante. Aucune religion ne me convainc mais il est vrai que l’idée de réincarnation m’a parfois intrigué.
A un niveau tout à fait basique puisque je n’ai jamais approfondi l’idée du karma et de ses conséquences.
Mais ça ne m’a pas empêché de répondre à la question « Et toi, tu voudrais être réincarné en quel animal ? »
Je crois que je choisirais la loutre…

Une des premières raisons de ce choix c’est qu’un jour j’ai lu que la loutre n’avait pas de prédateur (à part l’homme bien sûr).
Bon ok, ce n’est pas totalement vrai : les loutres de mer ne font pas le poids face aux orques. Mais les loutres de rivière sont plus tranquilles, pour peu qu’elles aient échappé aux renards et aux loups quand elles sont jeunes.

Mais la motivation principale de ce choix, c’est la mignonnerie (pour peu qu’on oublie que la loutre elle-même est un prédateur redoutable…) Et j’avoue que ça me plairait d’être un animal qui attire la sympathie…
Parce que oui, dans une vie réincarnée, je crois que je souffrirais toujours de blemmophobie (cette peur du regard des autres dont on dit qu’elle est systématiquement liée à une mauvaise estime de soi.…)
C’est pour les mêmes raisons que j’ai souvent hésité entre la loutre et le dauphin. Mais la loutre a un truc en plus : la loutre a des poils… 
Ce n’est pas pour rien que dans la nomenclature gay, les mecs poilus sont rattachés à la communauté « otter » (loutre en anglais…)

Ian Utterbck, symbole parfait de la catégorie « Otter »

Y’a pas de secret, tout est lié : mignon et sexy, je réaliserais mes fantasmes en me réincarnant. Oui, j’ai bien utilisé le conditionnel ! Et ça me permet de balancer en loucedé la photo d’un mec qui… que… enfin voilà quoi !

Bob Dylan – Man gave names to the animals (with lyrics)

Ce billet est ma contribution au jeu d’écriture « Inktober with a keyboard ».
Demain, le mot du jour sera « Briller ».

Cette personne (Julien Clerc)

Et c’est reparti pour le challenge « Inktober with a keyboard »
Chaque jour un mot, un thème comme point de départ à un billet.

Le mot du jour : « Enlever ».

Inconnu(e) – Photo prise à l’occasion de la Pride 2008

Je ne voyais pas comment illustrer le mot du jour et – miracle de ma playlist – je suis tombé sur cette chanson de Julien Clerc. Pas la plus connue mais assurément une de mes préférées.
Pour sa musicalité.
Pour son rythme.
Pour son sujet.
Pour son évidence.
Alors que cette chanson figure sur un disque sorti en 1980, cette façon de traiter la déclaration d’amour est étonnamment moderne, parce qu’elle est « non genrée » comme on dit aujourd’hui.
« Cette personne » qui est-elle ?
Honnêtement, a-t-on besoin d’une réponse ?
Toute la chanson montre que cette déclaration d’amour peut s’adresser à une femme comme à un homme, parce que le génie de Dabadie a été d’enlever toute référence au sexe ou au genre… de rester dans le non-dit, dans le flou, dans l’imaginaire, dans l’universel.
Le pouvoir des mots réside parfois aussi dans leur absence.

Deux trois consonnes quelques voyelles
C'est un discours pour elle
Quand elle m'appelle cette personne

Deux trois regards un geste à part
C'est ça l'amour pour elle
Quand elle me sonne cette personne

Soudain elle se balance en silence
Et d'une main qui passe elle efface
Ses larmes ses larmes

On peut s'entendre sans se comprendre
C'est ça la vie pour elle elle déraisonne
Cette personne

Pas de promesse changer d'adresse
C'est ça qui l'intéresse
Elle n'est pas bonne cette personne

Pourtant les jours si sombres où je sombre
Je sens passer dans l'ombre comme une aile
C'est elle c'est elle

Deux trois consonnes quelques voyelles
C'est un discours pour elle c'est de l'amour
Elle m'étonne c'est mon amour
Cette personne
Julien Clerc – Cette Personne (1980)

Ce billet est ma contribution au jeu d’écriture « Inktober with a keyboard ».
Demain, le mot du jour sera « Bête / Animal ».

J’ai peur des ciels sans horizons (Zazie)

Et c’est reparti pour le challenge « Inktober with a keyboard »
Chaque jour un mot, un thème comme point de départ à un billet.

Le mot du jour : « Dangereux ».

Je crois que j’ai toujours eu peur du vide, j’ai toujours souffert du vertige.
Tout petit déjà, mes parents me racontaient que je hurlais de peur à l’idée de monter sur une chaise. Et si elle n’était pas totalement stable, c’était la catastrophe.
Comme j’aime bien me moquer de moi-même avant que les autres ne le fassent, j’ai un jour déclaré que c’était cette peur du vertige qui m’avait fait arrêter de grandir au delà d’1,66m…

Falaise de Preikestolen – Norvège

J’associe au vide la notion de danger. La peur de tomber est liée à l’idée de se blesser, de souffrir.
Cette peur est intimement liée au rapport que j’entretiens avec mon corps.
Je me vois pataud, balourd, imprécis dans ses mouvements, mal coordonné. Je n’ai pas d’aisance, pas de fluidité dans les mouvements, pas de maitrise de l’équilibre et cela contribue à aggraver cette sensation d’être un handicapé de tout ce qui se rapporte de près ou de loin à l’activité un tant soit peu sportive.
Je me souviens de cet après-midi à Cassis où je suis resté plus de 30 minutes au bord d’un rocher qui surplombait l’eau de 6 ou 7 mètres. Je m’étais promis de plonger, comme le faisaient avec aisance et insouciance tous les gamins autour de moi. J’ai fini par le faire : j’ai respiré fort et j’ai plongé… J’étais fier de moi et soulagé, certaines personnes sur la plage m’ont même applaudi (peut-être pour se moquer ?). Mais je n’ai jamais pu recommencer, tellement le sentiment d’avoir flirté avec le danger était plus angoissant que celui du plaisir de plonger.

J’éprouve pourtant une forme de fascination pour ces vidéos tournées par ceux que je qualifie d’inconscients, qui escaladent des parois rocheuses ou des immeubles, ou qui dévalent à tombeau ouvert en VTT des pistes larges de 30 cm bordant des précipices. Mais je me sais incapable d’imaginer que j’aurais pu un jour, dans une autre vie, me frotter à ce genre d’exploit.

Le vide m’angoisse. La perte d’équilibre, la chute est une de mes plus grandes craintes. Tomber peut être douloureux autant pour le physique que pour l’ego. On rit toujours de quelqu’un qui se vautre par terre. Toujours cette fameuse crainte du regard des autres sur mon corps, ma silhouette, ma gaucherie, mon inconfort.
Je n’ai pas le souvenir de rêves tournant autour de la chute dans le vide. Pourtant quand on sait que « les rêves de chute dans le vide sont relatifs à un sentiment de vide affectif assez fort, ce sont des rêves d’angoisse », je devrais y être abonné…
Mais non.
Cette peur est bien physique, consciente. Elle exprime de façon évidente, je crois, le manque de confiance en moi, mais aussi sans doute dans les autres… Après tout ce n’est pas la première fois qu’on me reproche de trop réfléchir… Mais dans le combat Spontanéité contre LaPeurDuDanger, la spontanéité est mise KO au premier round.

Je me souviens de ma découverte de l’observatoire en haut du 01 World Trade Center à New York. Quand je suis arrivé sur la plate-forme, j’ai tout de suite constaté qu’à la différence de l’Empire State Building, l’observatoire était clos par des grandes baies vitrées descendant jusqu’au sol, qu’il n’y avait pas de muret en dur ni même de rambarde pour me rassurer et me sécuriser, que, seule, une vitre me séparait du vide.

Observatoire du 01 WordTrade Center

J’ai ressenti le danger autour de moi.
J’ai fait des photos certes, mais en restant à un mètre de la paroi vitrée (et mes photos sont donc pleines de reflets parasites…)
Je ne parle même pas de cette nouvelle manie que les ingénieurs ont de vouloir imaginer et construire des passerelles avec du verre sous les pieds des touristes intrépides (ou inconscients) pour rendre l’expérience encore plus extraordinaire. Ou éprouvante et suicidaire selon mes critères.

Le SkyWalk du Grand Canyon du Colorado

Je me demande d’ailleurs comment je vais faire dans mon futur appartement avec cette grande terrasse en porte-à-faux, ceinte d’une simple grille en métal comme garde-corps, censée me protéger d’une bascule dans le vide et donc de ma peur viscérale du danger…
Est-ce que l’architecte qui a dessiné ces terrasses est fiable ?
Est-ce que le ferraillage intégré dans le béton a été bien conçu ?
Puis-je faire confiance à ces gens pour dissiper ce sentiment de danger que je ressens dès que je pense au vide qui existera sous mon plancher ?
Est-ce que je vais réussir à oublier tout ça pour profiter de ma terrasse exposée sud-est à 25 mètres de hauteur ?
Est-ce que… Est-ce que ça ne sera pas dangereux ?

Zazie / Aaron – La place du vide

Ce billet est ma contribution au jeu d’écriture « Inktober with a keyboard ».
Demain, le mot du jour sera « Enlever ».

Léger comme une plume d’oiseau…

Et c’est reparti pour le challenge « Inktober with a keyboard »
Chaque jour un mot, un thème comme point de départ à un billet.

Le mot du jour : « Superficiel ».

J’ai toujours assumé mon côté superficiel, même au boulot quand j’étais proviseur.
Il y avait certes un peu de provocation parfois, mais je n’avais aucune scrupule à évoquer l’Eurovision ou mon goût pour la StarAc’ de l’époque… Alors qu’il eût été de bon aloi d’évoquer mon appétence pour les soirées Théma d’Arte.
Le plaisir de voir parfois sur certains visages de l’incompréhension, de la gène ou de la commisération était un plaisir coupable dont je ne me suis jamais lassé…

Superficiel ? c’est aussi ce qui m’a poussé à finalement quitter Twitter alors que j’y étais inscrit depuis mai 2008…

A l’origine, l’accroche de Twitter était « What are you doing now ? ». Ce réseau se positionnait clairement comme étant un site de micro-blogging, ce qui lui valait d’être raillé : qui va s’intéresser au fait que vous venez d’étendre une lessive ? de manger un Big Mac ® ? d’avoir acheté la mauvaise marque de croquettes pour votre chat ? d’avoir écouté et pas aimé le dernier single de Madonna ?
Hein ? QUI ???

J’ai suivi l’évolution de Twitter sans véritablement vouloir rentrer dans le jeu du débat d’idées. Mais j’ai souvent trouvé intéressant le partage d’opinions et d’articles, parce que je suis aussi un boulimique d’information(s)…
J’ai rarement interféré avec des problèmes de fond ou des discussions « politiques » parce que mon goût de la nuance et du compromis n’était pas vraiment compatible avec la limite originelle des 140 caractères.
Étendre une lessive faisait de moi un odieux pollueur de rivières.
Manger un Bic Mac ®, me transformait en immonde viandard, insensible à la souffrance animale et à l’exploitation capitaliste des employés.
Acheter des croquettes pour mon chat prouvait que j’étais plus attentif au bien-être d’un animal qu’à la faim dans le monde.
Ne pas aimer le dernier Madonna ? J’étais nuuuuuuuuuul et unfollowé sur le champ !

J’ai quitté Twitter et rejoint BlueSky.
L’ambiance générale sur ce réseau émergent ressemble beaucoup au Twitter des débuts. Limite « pays des Bisounours ».
Je ne suis semble-t-il pas le seul à ressentir ou partager cette impression, souvent assortie d’un « Pourvu que ça dure ! ».
Puis de la remarque : « Ça ne tient qu’à nous ! »

J’ai repris mes habitudes et, entre les photos de mon chat, celles de mon futur appartement, les photos (tous les matins) de mecs souriants plus ou mois habillés, les considérations futiles sur le temps qu’il fait sur le Vieux-Port et d’autres bêtises que j’espère anodines… au milieu de tout ça donc, je tente de garder cette superficialité qui me va et me convient bien.
Je crois pourtant être capable de réfléchir, de m’intéresser à des problèmes politiques ou sociaux, à réagir à des injustices, à prendre en compte les malheurs du monde proche ou moins proche…
Mais j’ai envie aussi de légèreté dans mes échanges.

Le format des 300 caractères de BlueSky ne permet que d’effleurer les problèmes… Alors autant respecter cette contrainte et rester superficiel !

BO Jonathan Livingston Seagull – Be (Neil Diamond)

Ce billet est ma contribution au jeu d’écriture « Inktober with a keyboard ».
Demain, le mot du jour sera « Dangereux ».