Guère épais

Il était un fois un beau bébé…

Je pesais 3,6 kilos à la naissance, ce qui – surtout pour une maman d’1,46m – était considéré comme un beau bébé.

Maman, elle, me trouva chétif, maigre même quand elle me vit, après s’être réveillée de sa césarienne. Il faut dire que par rapport à mon frère, né 15 mois plus tôt… Lui, il pesait 4,5 kilos à la naissance… La (jeune) sage-femme ne comprenait pas les commentaires de la jeune maman, alors que pour elle, qui sortait à peine de l’école, j’étais plutôt gros pour un nouveau-né.

Je crois que c’est la seule fois où on m’a trouvé « maigre »… J’ai toujours eu un tempérament, un héritage génétique, qui me prédisposait à être un petit gros. J’ai fait face, à mesure que le temps passait. A l’école. A la piscine. Au lycée. A l’armée. Au boulot quand j’étais surveillant. Et même plus tard quand j’étais proviseur… Au détour d’un couloir, j’ai entendu un prof qui, pour me décrire à leurs collègues, disait Mais si tu le reconnaitras : c’est un petit gros avec des lunettes… Rien de bien méchant, mais une étiquette dont je ne suis jamais débarrassé un peu comme le sparadrap accroché au pouce du capitaine Haddock…

Il y a une expression qui m’a marqué alors que j’avais 10 ou 11 ans et que j’allais rentrer en 6ème… Notre voisine dans le petit village où on habitait alors passait son temps sur la pas de sa porte à observer et à commenter ce qu’elle voyait à voix haute, même quand elle était toute seule… Alors que je passais devant chez elle avec un autre gamin du village, elle avait lâché un « oh ben lui, il est guère épais« …

Elle parlait de l’autre garçon évidemment.

J’ai retenu l’expression. mais surtout j’avais traduit : donc moi je suis « épais ». Et je crois que c’est la formulation la plus violente que j’ai entendue… J’avais 10 ans et j’étais… épais ! Pas comme un gamin, pas humain…

Épais. Comme un objet, comme une chose…

(Ce billet est ma participation au jeu « Inktober with a keyboard », initié par Kozlika Mot du jour : « Epais, massif »)

5 réflexions au sujet de « Guère épais »

  1. Les complexes… ou l’art de se (faire)pourrir la vie… ça me rappelle cette pub pour la vache qui rit, « trop lourd, trop typé etc. » ça me fait penser aussi au spectacle de Kyan Khojandi qui s’appelle Pulsion. Un moment il parle d’un personnage qui entre dans nos vies à l’adolescence et qui s’appelle : » le regard des autres ». C’est drôle et tellement vrai. Ma mère regardait ses photos de. jeune fille en disant « j’étais si jolie et je ne le savais pas, quelle bêtise ! » et le pire c’est que j’ai fait pareil 😉

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  2. Pareil que Luce et sa mère pour les photos enfant. Et toi Garf, te vois-tu avec plus de tendresse sur les photos d’il y a dix, vingt, trente ou quarante ans ?
    Je me doute bien qu’aucune incantation n’y ferait rien mais cette blessure de ton regard sur ton corps transparaît dans à peu près tous les textes où tu parles de toi et je ne suis pas sûre que tu aies « fait face, à mesure que le temps passait », comme tu le dis. J’en suis désolée, ça me semble tenir tellement peu de place dans l’image que les autres ont de toi.

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  3. J’ai fait face si… en ne tenant plus compte des moqueries des autres mais en ayant sans doute un regard personnel encore plus dur et négatif sur moi :/ C’est évidemment difficilement compatible avec des stratégies de séduction !
    C’est pur ça d’ailleurs que je me suis mis au régime en début d’année. J’ai perdu plus de 20 kilos et je me trouve plus « acceptable ». Tu vois, je suis sur le bon chemin… à 63 ans !

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